C’est un refrain que l’on entend depuis des années : passer trop de temps devant un écran, que ce soit un smartphone ou un ordinateur, serait dangereux pour le cerveau. Trouble de l’attention, perte de mémoire, déclin cognitif…
Les accusations sont nombreuses. Pourtant, une récente étude scientifique vient remettre les pendules à l’heure. Et son verdict est sans appel : l’usage quotidien des outils numériques n’est pas un danger pour nos capacités mentales, bien au contraire.
Les chercheurs à l’origine de ces travaux ont voulu confronter une idée reçue désormais ancrée dans les esprits à des données objectives. Et ce qu’ils ont découvert risque de surprendre les plus technophobes : l’interaction régulière avec les technologies numériques stimulerait le cerveau, renforcerait les fonctions cognitives et réduirait le risque de déclin mental avec l’âge.
Une étude d’envergure sur plusieurs centaines de milliers de personnes
Les conclusions ne viennent pas de quelques tests isolés mais d’une méta-analyse colossale menée sur plus de 400 000 individus. Les scientifiques ont croisé les résultats de 136 études différentes, portant sur une période étalée sur plusieurs années et regroupant des personnes de tous âges, mais avec un intérêt particulier pour les seniors.
Et le chiffre qui fait mouche est le suivant : les utilisateurs réguliers d’ordinateurs et de smartphones présentaient jusqu’à 58 % de risques en moins de subir un déclin cognitif que ceux qui n’utilisent pas ou peu ces outils. Une différence statistiquement significative, qui fait voler en éclats le mythe selon lequel les écrans « ramollissent » l’esprit.
Le cerveau, stimulé par les défis technologiques
L’un des points clés soulevés par les chercheurs, c’est que l’usage des technologies numériques agit comme une véritable gymnastique cérébrale. Apprendre à naviguer sur une interface, gérer plusieurs fenêtres, comprendre une nouvelle application, organiser des fichiers ou même paramétrer un smartphone sont autant d’activités qui mobilisent mémoire, attention, logique et coordination.
En clair, utiliser un ordinateur ou un smartphone de manière régulière oblige le cerveau à s’adapter, à réfléchir, à apprendre… exactement comme un exercice physique le ferait pour le corps. Loin d’endormir les fonctions cognitives, ces tâches les réveillent et les entretiennent.
Le facteur social, souvent négligé, joue aussi un rôle clé
Il ne faut pas non plus sous-estimer l’effet social des outils numériques, en particulier chez les personnes âgées. Alors que l’isolement est un facteur aggravant du déclin mental, l’usage des smartphones et ordinateurs permet de rester connecté au monde : appels vidéo avec la famille, messageries instantanées, réseaux sociaux, jeux en ligne… Tous ces usages renforcent le lien social et réduisent l’isolement, avec un impact positif mesurable sur la santé mentale.
Maintenir des échanges réguliers, même numériques, active les zones du cerveau liées à l’émotion, à l’attention et au langage. Cela permet aussi de garder une forme de routine mentale, une discipline cognitive douce mais essentielle.
Fini le mythe de la “démence numérique”
On entendait encore il y a peu parler de “démence numérique”, une expression choc popularisée par certains médias et experts alarmistes. L’idée : à force d’utiliser le GPS, de ne plus mémoriser de numéros, de tout rechercher sur Google, notre cerveau s’atrophierait et perdrait ses capacités naturelles.
Sauf que cette théorie ne tient pas face aux faits. Ce n’est pas l’usage de la technologie en soi qui est problématique, mais la manière dont on l’utilise. Et surtout, le fait de remplacer certaines habitudes mentales par d’autres ne signifie pas qu’on les perd : cela reflète une adaptation naturelle à un nouveau contexte technologique.
Le cerveau, par nature, est plastique. Il s’adapte à ses environnements, modifie ses réseaux neuronaux selon les besoins et l’usage. Utiliser un GPS ou un agenda numérique ne “tue” pas la mémoire, il change simplement la manière dont elle est sollicitée. Et tant qu’elle l’est, elle reste active.
Encourager les seniors à utiliser les outils numériques
Un des volets les plus intéressants de l’étude concerne les personnes âgées. Trop souvent, elles sont écartées du numérique, vues comme “dépassées” ou peu concernées. Pourtant, l’usage régulier de la technologie pourrait être un levier puissant pour maintenir leur autonomie cognitive.
Qu’il s’agisse de consulter des informations, faire des jeux de logique en ligne, écrire des e-mails ou simplement discuter avec les proches, chaque interaction est un micro-exercice pour le cerveau. Et plus ces interactions sont régulières, plus elles entretiennent les fonctions essentielles.
L’étude invite ainsi à repenser l’accompagnement numérique des seniors. Former, guider, simplifier les interfaces pour les rendre accessibles, c’est aussi une manière de contribuer à leur bien-être mental.
Des recommandations concrètes
Pour profiter des effets bénéfiques des technologies sur le cerveau, les chercheurs insistent toutefois sur quelques recommandations :
- Privilégier une utilisation active : créer, écrire, chercher, résoudre un problème est plus bénéfique que faire défiler passivement un fil d’actualités.
- Varier les activités numériques : ne pas se limiter à une seule tâche répétitive, mais explorer différents usages.
- Limiter les distractions excessives : notifications en cascade, multitâche inutile… Certaines pratiques peuvent parasiter la concentration plutôt que la renforcer.
- Favoriser l’interaction humaine : utiliser les outils numériques comme vecteurs de lien, et non comme substituts.
Le dernier mot de la rédac’
Loin des discours alarmistes, cette étude rappelle une chose essentielle : la technologie n’est pas notre ennemie, c’est la manière dont nous l’intégrons à notre quotidien qui en détermine les effets. Et bien utilisée, elle pourrait bien devenir un allié précieux pour garder un esprit vif, alerte et connecté, à tout âge.